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Atget, Eugène, Eglise Saint-Médard, 141 rue Mouffetard, 5ème arrondissement, Paris (Titre factice), 1900. Tirage sur papier albuminé d'après un négatif sur verre au gélatino-bromure d'argent. Musée Carnavalet, Histoire de Paris.
Henri Cartier-Bresson, Sous le métro aérien, boulevard de la Chapelle, 1951, collection de la Fondation Henri Cartier-Bresson © Fondation Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

25 mai, 2021

Paris célébré par deux expositions exceptionnelles

« Voir Paris » par Eugène Atget à la Fondation HCB et « Revoir Paris » par Henri Cartier-Bresson au musée Carnavalet - Histoire de Paris

Environ deux générations séparent les deux photographes. Le premier, Eugène Atget, abandonne sa carrière de comédien, le deuxième, Henri Cartier-Bresson, celle de peintre, au profit d’un art relativement nouveau, l’enregistrement photographique. Dans une double exposition exceptionnelle et des approches inédites, la Fondation HCB (du 3 juin au 19 septembre 2021) et le musée Carnavalet – Histoire de Paris (du 15 juin au 31 octobre 2021), s’associent pour montrer, à partir de leurs collections, l’essence de la capitale dans l’œuvre de ces deux grandes figures de la photographie française.

Paris par Eugène Atget (1857 – 1927) et par Henri Cartier-Bresson (1908 – 2004)

Henri Cartier-Bresson, subjugué par l’approche d’Eugène Atget, l’imitera jusqu’au moment où il découvre le Leica et « l’image à la sauvette ». « Prendre la poudre d’escampette » après avoir enregistré ce qu’il a vu, comme le disait souvent Cartier-Bresson, reste sa provocation favorite alors que pour Atget, dès l’aube, son lourd chargement sur le dos, l’enregistrement est très réfléchi; on y devine peu de hasards mais un plaisir de la vision qui s’affirme avec le temps.

Atget, plus intéressé par la ville, depuis l’architecture la plus classique jusqu’aux cours les plus reculées, a mis en images de façon obsessionnelle un Paris marqué par l’histoire, proposant ses tirages à des artistes, des musées ou des bibliothèques. Les personnages qui s’invitent dans le cadre se fondent dans le décor. Henri Cartier-Bresson, après avoir fréquenté les surréalistes dans les années vingt, se découvre voyageur au long cours, avec Paris comme port d’attache. Plus que la ville, c’est l’Homme qui l’intéresse, il le saisit dans la rue ou à l’occasion de rencontres. Son boitier ne le quitte pas, photographier est une respiration, une affirmation, une protestation parfois, une flânerie parfois guidée par un reportage qui lui était demandé.

Atget n’a rien dit ou presque sur son travail. Des propos rapportés ont servi à définir un projet essentiellement documentaire mais son approche directe et emprunte de poésie a fasciné nombre de ses contemporains, d’où les commentaires les plus contradictoires sur cette œuvre atypique. Cartier-Bresson, dont le musée Carnavalet possède une belle collection, a beaucoup commenté son travail et surtout en opposition à ce que l’on voulait lui faire dire. Il en résulte une autre complexité confirmée par l’examen de ses archives conservées au sein de sa fondation.

Photographes, Atget et Cartier-Bresson sont aussi de grands lecteurs. Ces deux figures foncièrement indépendantes, un brin austères, n’ont cultivé ni concepts intellectuels ni principes artistiques pour se fonder sur la valeur de l’expérience. Ils invitent à exercer notre regard, à considérer la complexité de ce monde comme la source même de notre faculté imaginaire. L’Histoire a voulu que ces deux œuvres, émancipatrices de la photographie, soient d’abord reconnues aux États-Unis, avant de laisser chacune une postérité immense. Les deux commissaires ont voulu que cette sélection originale reflète la dimension poétique des deux auteurs.

À l’occasion de la réouverture des musées, et notamment celle du musée Carnavalet après quatre années de fermeture pour travaux, c’est une célébration de Paris par des regards singuliers, avant qu’elle ne devienne l’une des villes les plus photographiées au monde.