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Raval, circa 1960 © Joan Colom, Collection Fundacion Foto Colectania
Raval, circa 1960 © Joan Colom, Collection Fundacion Foto Colectania

Joan Colom

Les gens du raval

du 26 avril au 30 juillet 2006

C’est avec beaucoup de plaisir que la Fondation HCB présente pour la première fois en France l’ensemble du travail du photographe catalan Joan Colom sur «les gens du Raval», en collaboration avec la Fundació Foto Colectania, Barcelone. L’exposition sera par la suite montrée au Folkwang Museum d’Essen (23 septembre – 12 novembre).

 

Dans la Barcelone franquiste

Véritable théâtre social, le Raval, quartier de Barcelone également connu sous le nom de « Barrio Chino », a offert à Joan Colom une scène qui lui a permis de réaliser des images désormais emblématiques d’un quartier et d’une époque. Dans ses photographies, la modernité avant-gardiste se mêle intimement à la tradition pessimiste « noire » de l’Espagne franquiste des années 1950.

L’exposition rassemble 85 photographies noir et blanc réalisées entre 1958 et 1961, épreuves d’époque tirées par Colom, et épreuves modernes présentant les images telles qu’il les voit aujourd’hui. Les oeuvres proviennent pour la plupart de Foto Colectania, ainsi que de la collection personnelle de l’auteur et du Musée National d’Art de Catalogne (MNAC). On y découvre un univers peuplé d’âmes vagabondes, de prostituées, d’enfants de la rue, évoqué par Marta Gili dans son essai Barrio Vencido, Barrio Ganado (Quartier vaincu, quartier gagné) publié dans le catalogue:

Un lieu d’échanges intimes, négociés en public, et dont les rues étaient un refuge pour les corps et les âmes en errance, se cherchant les uns les autres. Evité par la majorité bien-pensante des citadins dans leur promenade dominicale sur les Ramblas, le Barrio Chino de la Barcelone franquiste évoquait nombre des stéréotypes de l’imaginaire catholique et petit-bourgeois, rattachés à l’enfer : lieu sordide, sombre, malodorant, principalement occupé par des souteneurs, des voleurs et des prostituées. (…) Pour les enfants barcelonais sous le franquisme, l’imaginaire du Barrio Chino était délimité au Nord par l’interdiction, et au Sud par le châtiment de Dieu. Ainsi, pour les adolescents les plus turbulents, et surtout ceux qui vécurent, comme nous, dans les contradictions du franquisme déclinant, se lancer à la découverte du Raval supposait l’expression d’une résistance contre l’indifférence et la résignation.

 

La découverte de la photographie

Joan Colom est né à Barcelone en 1921 ; après son service militaire, il devint comptable dans une entreprise jusqu’à sa retraite. C’est à 36 ans qu’il se prit de passion pour la photographie et entra à l’association photographique de Catalogne, où il apprit très vite les rudiments techniques qui allaient l’accompagner dans sa carrière atypique. Peu de temps après, il fit une rencontre déterminante : «J’ai découvert le Barrio Chino en 1958 ; j’ai compris que mon monde était là. J’étais fasciné par sa diversité et sa richesse sociale… Je me suis senti littéralement aspiré par la qualité humaine des personnages». Tous les week-ends pendant près de trois ans, Colom arpenta les bas-fonds de Barcelone en photographiant sans viser, par discrétion. C’est dans la chambre noire qu’il cherchait ensuite le cadre le plus simple possible avec un souci constant de vérité – rompant ainsi avec la tradition esthétisante des anciens. «Il pressentit que pénétrer et photographier le Barrio Chino était une façon métaphorique de le «gagner» face au regard du reste de la capitale, et de se constituer ainsi un espace de liberté.» (Marta Gili)

On a parfois comparé sa démarche à celle de Walker Evans dans le métro newyorkais : l’honnêteté maximale de la vision, le refus de l’esthétique pictorialiste, recherchant avant tout un réalisme photographique pur ; et, naturellement, à celle de Brassaï – «Paris de nuit» (1932) ou «Voluptés de Paris» (1934).

 

Un livre scandaleux désormais légendaire

En 1964, une partie de ses images fut publiée dans le livre Izas, rabizas y colipoterras, (Grues, escaladeuses, escamoteuses) aux éditions Lumen, avec un texte de Camille José Cela, prix Nobel de littérature. Le livre fut un grand succès mais aussi l’objet d’un scandale : dans cette période totalement répressive dominée par le franquisme, il n’était pas étonnant que la mise en évidence de cet espace de liberté ne fût pas au goût du jour. L’une des femmes photographiées voulut intenter un procès, ce qui découragea à tout jamais Joan Colom de poursuivre son travail : «Ces femmes avaient tout mon respect et rien d’exotique, ces images faisaient partie d’un tout qui prétendait décrire un quartier avec un esprit de fidélité respectueuse». Ainsi, à la suite de cette polémique, Colom, personnage discret, réfractaire à la controverse, abandonna volontairement l’exercice de la photographie, qu’il ne reprit qu’au moment de sa retraite en 1986.

Joan Colom arpente la rue selon son principe de base : « Yo hago la calle » – Je fais le trottoir – jeu de mots qu’affectionnait également beaucoup Henri Cartier-Bresson. Colom et Cartier-Bresson s’étaient rencontrés en 2003 lors de la rétrospective HCB à Barcelone. Colom venait de recevoir le Grand Prix National de la Photographie espagnole. Les quelques images incontournables de l’Espagne des années trente par HCB sont bien sûr présentes dans toutes les mémoires. Joan Colom ne les connaissait pas quand il a commencé son travail, certes différent mais animé par cette même envie impétueuse de saisir la vie au plus près : «Nous voulions une photographie qui capte la vie ; nous voulions vivre la rue». L’imaginaire de la vie du Raval est désormais enraciné dans ses images.

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